Annonce a été faite que le Tribunal de Riyad a ordonné l’exécution de la peine capitale à l’encontre de trois éminentes personnalités du monde musulman, après le mois de ramadan: Salman al-Ouda, Awad al-Qarni et Ali al-Omari.
D’autres exécutions ont déjà eu lieu, mais cette fois le prince Mohammed ben Salmane s’en prend à un savant mondialement connu, Salman al-Ouda, dont les positions sont toujours empreintes de sagesse et de mesure. C’est après avoir publié un tweet appelant à la réconciliation de l’Arabie saoudite et du Qatar que l’homme a été arrêté le 10 septembre 2017. «Que Dieu harmonise leurs cœurs pour le bien de leurs peuples», y écrivait-il. Parole considérée comme un crime de lèse-majesté sous un régime qui ne souffre que l’alignement de ses sujets aux positions belliqueuses d’un prince inféodé à la politique étasunienne dans la région.
«Il est temps que les nations occidentales, dont la Suisse, interviennent directement pour empêcher ces exécutions»
Voilà qui a suffi pour qu’il soit l’objet de 37 chefs d’accusation, relevant qu’il serait un suppôt du terrorisme, et pour qu’un procureur général de service requière sa condamnation à mort sur la base d’allégations fallacieuses. Tout cela, bien entendu, dans le cadre d’un procès tenu secret !
Il est utile de relever que le journaliste saoudien Jamal Khashoggi avait déclaré, en parlant de Mohammed ben Salmane suite à l’arrestation de Salman al-Ouda : «Il écrasera la dissidence à tout prix. Ces accusations doivent être médiatisées.» Et il avait annoncé, avant d’être lui-même assassiné de la façon la plus odieuse: «Ouda ne sera pas exécuté parce qu’il est un extrémiste. Mais parce que c’est un modéré. C’est pourquoi ils le considèrent comme une menace.» Ainsi, la logique des dictatures consiste à nommer «terroristes» tous ceux qui appellent à la liberté des peuples.
Depuis que Mohammed ben Salmane est devenu le prince héritier du royaume et du trône, en juin 2017, une vague de répression touche non seulement des érudits, mais aussi des militants des droits de l’homme. Toute la politique étrangère conduite par cet individu incompétent se traduit par la détresse et les souffrances de millions d’hommes, de femmes et d’enfants, notamment au Yémen, et représente un danger pour l’Arabie saoudite elle-même. Le bien public, géré par ce triste sire, est dilapidé dans des proportions qui se chiffrent en milliards, notamment pour acheter des armes et tuer des innocents.
Droits de l'homme contre intérêts économiques
Il est temps que les nations occidentales, dont la Suisse, interviennent directement pour empêcher ces exécutions et exiger l’annulation de mises à mort arbitraires. Il y a urgence. Il est temps que les droits de l’homme reprennent le dessus sur des intérêts purement économiques et des alliances stratégiques, pour dénoncer des crimes contraires aux valeurs humaines.
Si, demain, Salman al-Ouda était exécuté, suivi par d’autres savants et militants des droits de l’homme subissant dans la Péninsule des conditions de détention inhumaines, cela pourrait être annonciateur de bouleversements entraînant la chute des bourreaux. Et ce ne serait pas une grande perte.
Hani RAMADAN
Directeur du Centre Islamique de Genève
24 Heures, L'Invité, 3 juin 2019