Il y a quelque temps, un journaliste romand s’était adressé à ses lecteurs, leur suggérant de lui proposer des thèmes d’enquêtes. Au vu de l’actualité et de son traitement, ce n’est certainement pas cela qui manque. Voilà quelques champs d’investigations qui seraient les bienvenus :
Combien de Palestiniens sont morts dans la bande de Gaza, depuis le 7 octobre 2023? Un article de la RTS affirmait en juin 2024: «Le nombre de morts à Gaza serait sous-estimé de 40%, selon une étude publiée dans The Lancet, avec potentiellement 64’260 décès directs jusqu’à fin juin 2024 […] En comptabilisant les décès indirects liés au manque de soins ou de nourriture, le bilan pourrait atteindre plus de 230’000 morts, soit 10% de la population de Gaza. Les conditions sanitaires précaires et l’accès limité aux soins entraînent de nombreux décès évitables, notamment chez les enfants et les femmes enceintes.» Cela, Il y a neuf mois. Qu’en est-il aujourd’hui?
Des crimes de guerre ont été commis à Gaza. Si tel est le cas, les gouvernements qui ont continué à fournir en armes l’État de Netanyahou ne portent-ils pas une lourde responsabilité par leur soutien à Tsahal ? Les États-Unis en tête, mais aussi l’Allemagne et la France ?
Le compte rendu de ces atrocités n’a pas été établi par les médias dans ces proportions réelles: Combien de médecins tués et emprisonnés? Le bureau des médias de la bande de Gaza a donné le chiffre de «1000 médecins et infirmières et infirmiers tués depuis le 7 octobre 2023. Trois cent dix-sept ont été arrêtés, certains subissant des tortures.»
Combien de civils détenus et torturés systématiquement ? Combien de journalistes assassinés ? Après six mois de bombardements, Reporters sans frontières annonçait: «Depuis le 7 octobre 2023, plus de 105 journalistes ont été tués par l’armée israélienne à Gaza dont au moins 22 dans l’exercice de leur fonction.» Et interrogeait: «Où est la communauté internationale ?»
Qu’en est-il aujourd’hui, après dix-sept mois ? La famine a servi d’arme de guerre, avec l’impossibilité de faire entrer des denrées alimentaires en suffisance. Les camions ont été arrêtés à la frontière de Gaza, et le sont à nouveau, malgré les accords liés au cessez-le-feu. Et tout cela aux yeux des nations incapables d’empêcher cette ignoble stratégie. Quel bilan en tirer aujourd’hui en ce qui concerne les victimes ?
Ces enquêtes mettraient en évidence l’ampleur des atrocités commises à Gaza. Et l’ampleur aussi du silence qui les a accompagnées, permettant ainsi que ces crimes se poursuivent impunément.
Hani RAMADAN
Directeur du Centre Islamique de Genève
Tribune de Genève, L’invité, 18 mars 2025