Nouvelles intrigues autour de l’affaire Covassi

«Espionnage - La taupe infiltrée au Centre islamique déballe tout.»


De mystérieux vols de documents, des filatures…
Une odeur de soufre plane sur l'affaire de la taupe infiltrée au Centre islamique de Genève.


ClaudeCovassi

Claude Covassi © Laurent Guiraud

Le Genevois Claude Covassi, 37 ans, va être entendu demain par la justice fédérale «à titre de renseignement» à la suite de la plainte pénale déposée par Hani Ramadan.

Auditionnée deux fois en décembre 2006, la taupe s'est mise au vert dans un endroit retiré de la campagne genevoise. Sa vie est-elle devenue plus calme? Pas du tout. Nombreux sont ceux qui s'interrogent sur les motivations de cet espion depuis ses confessions. Lui, vit dans l'attente des résultats de son passage devant la délégation des Commissions de gestion des Chambres fédérales, l'organe parlementaire chargé de contrôler les services de renseignement et la protection de l'Etat. En dénonçant les dysfonctionnements au sein du Service d'analyse et de prévention (SAP), Claude Covassi jette le trouble.

Devant les parlementaires fédéraux, le Genevois a raconté «l'obsession» de son officier traitant, un certain S., à piéger Hani Ramadan, le directeur du Centre islamique de Genève. «S. m'a affirmé que Hani Ramadan avait du sang sur les mains. Il était question d'introduire des documents dans son bureau: le manuel du combattant d'Al-Qaida devait se retrouver dans son PC», ajoute Claude Covassi. Selon lui, sa mission devait le conduire à établir un lien entre le directeur du Centre islamique et les réseaux salafistes impliqués dans les actes de terroristes.

A l'appui de ses déclarations, l'ex-agent du SAP produit des enregistrements sonores réalisés à l'aide d'un micro miniature dissimulé dans un stylo. Il produit aussi des échanges de correspondance par mail qui témoignent d'une singulière imprudence de la part de son officier traitant.


Grandes précisions

Là où l'affaire embarrasse, c'est que Claude Covassi se montre extrêmement précis sur ses activités, produisant des comptes rendus complets de ses missions d'infiltration en Suisse, en Syrie et en Egypte. Dernièrement, S. a affirmé dans les colonnes du SonntagsZeitung, que Covassi avait travaillé pour le Mossad et les Frères musulmans. Ce qui fait bondir l'intéressé. «Je n'ai jamais entendu quelque chose d'aussi stupide. Jamais je n'ai collaboré avec un service étranger.»

Vivant aujourd'hui de l'aide sociale, la taupe continue de focaliser l'attention des services secrets. Le Genevois est certain d'avoir été pris en filature. Devant la délégation, Claude Covassi a reconnu «ne pas avoir communiqué de la façon la plus intelligente possible» en orchestrant sa médiatisation. Mais sortir de l'anonymat lui a permis de garantir sa sécurité.



Des vols de mallettes… aux agents de la CIA


Mais il y a plus troublant que les filatures dont Claude Covassi prétend avoir été victime. Le 18 décembre 2006, quelques jours après la première audition de l'ancien agent infiltré, le conseiller national Ueli Leuenberger s'est fait voler sa mallette sur le quai de la gare, à Genève. A l'intérieur, son ordinateur portable, une pile de courriers à son nom et… les documents que lui avait remis Claude Covassi.


Rencontre avec Dick Marty

L'écologiste qui a été le premier à prendre cette affaire au sérieux ne veut pas céder à la psychose. «Il peut s'agir d'un simple voleur, comme cela se passe malheureusement quotidiennement.» Tout de même. «C'est vrai qu'il y a de quoi se poser des questions», consent Ueli Leuenberger. Le vol intervient six jours après que le parlementaire a organisé la rencontre secrète entre Claude Covassi et Dick Marty.

Le parlementaire suisse a dirigé la commission d'enquête du Conseil de l'Europe sur l'affaire des enlèvements et des prisons secrètes de la CIA. Dick Marty a notamment dénoncé l'intervention des agents américains dans le kidnapping de l'ex-imam égyptien Abou Omar à Milan en février 2003. Lors de son rendez-vous secret avec le parlementaire tessinois, Claude Covassi a justement évoqué le dossier Abou Omar… L'ancien agent affirme que les services secrets suisses ont pris en filature courant janvier 2006 un agent de la CIA impliqué dans l'enlèvement.

Bien que faisant l'objet d'un mandat d'arrêt international, celui-ci a pu quitter le territoire helvétique. Dans le mémo qu'il a remis à Dick Marty, Claude Covassi fournit des détails sur les contacts qu'il a eus en Egypte avec un agent de la CIA qui lui a donné des précisions sur les enlèvements en Europe. Les noms de ses contacts, les lieux de rendez-vous, tout a été méticuleusement consigné. Il s'agit d'informations extrêmement sensibles.

Curieusement, un autre parlementaire, qui suit également de très près le dossier, le conseiller national zurichois Daniel Vischer, président de la Commission de droit s'est lui aussi fait voler sa mallette...


Valérie DUBY et Alain JOURDAN

Tribune de Genève - 20 février 2007

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