Non à la liberté d’informer dans le monde arabe

Pourquoi ?

Depuis longtemps, et ce n’est un secret pour personne, l’Etat d’Israël bénéficie d’un traitement privilégié. Toute autre nation qui aurait martyrisé pendant des décennies ses voisins de façon aussi disproportionnée, aurait été mise au ban de la communauté internationale, et soumise à un embargo ou à une ingérence la contraignant au respect des normes légales et des Conventions de Genève.

Capture d’écran 2017-07-15 à 19.39.55

Deux raisons expliquent ce traitement de choix. La première est celle du souvenir de la Shoah. L’Etat d’Israël est perçu comme légitime bien plus par une conscience collective qui y voit une réponse raisonnable à l’antisémitisme, que par une justification religieuse millénaire.

L’autre raison vient de la forte emprise qu’exercent les lobbies sionistes tant sur le plan politique que sur le plan médiatique. Et j’en veux pour preuves deux exemples particulièrement éloquents :

Il y a d’abord les deux coups d’Etat : celui qui a abouti en Egypte, et celui qui a avorté en Turquie. Dans le premier cas, on a vu des gouvernements reconnaître sans grande difficulté la prise de pouvoir par le militaire Al-Sissi, et personne n’est venu réclamer avec insistance la libération du président légitimement élu, le Dr Mohamed Morsi, ou dénoncer avec vigueur l’incarcération de toutes celles et de tous ceux qui ont demandé simplement à ce que le choix des urnes soit respecté, plus de 60 000 personnes privées de liberté à l’heure actuelle.

Capture d’écran 2017-07-15 à 19.41.09

Dans le second cas, les classes politiques et la presse se sont soulevées non pas pour saluer le courage du peuple turc qui a su dire non à la tyrannie militaire, mais pour fustiger la ferme réaction du gouvernement d’Erdogan contre les putschistes.

Capture d’écran 2017-07-15 à 19.42.02


Comment expliquer ce contraste : pas un mot sur les journaux et les médias interdits par Al- Sissi, et une volonté farouche de présenter Erdogan, pourtant élu et réélu, comme un ennemi de la liberté du peuple ?

Il y a ensuite le blocus imposé par l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte contre le Qatar, dont la fin est conditionnée notamment par la fermeture de la chaîne de télévision Al-Jazira. Cette chaîne basée à Doha qui véhicule et développe un discours qui dérange les dictatures arabes, et qui ouvre le débat sur des questions susceptibles de réveiller chez beaucoup un esprit par trop citoyen. Cette volonté de fermer Al-Jazira aurait dû entraîner un tollé dans tous les organes de presse à l’échelle internationale. Mais non. Là, la liberté des journalistes peut complètement être remise en question. Pourquoi ? Ce que l’on reproche à Al-Jazira, c’est de donner la parole aux Frères musulmans. Or, obéissant à la volonté de l’Etat d’Israël,  les Etats-Unis et la communauté européenne ont décidé que les Frères musulmans étaient des terroristes, et que la résistance à Gaza était illégitime.

Peut-il exister dès lors des preuves plus accablantes du pouvoir effectif du sionisme sur les Etats occidentaux, sur les pétromonarchies, sur la presse et les médias qui prétendent être libres ?

Les grands principes ne sont plus désormais liés à ce questionnement :

- Qui est pour le respect de la volonté populaire et pour la liberté de la presse ? Non, mais plutôt : - Qui défend l'extension du projet sioniste, ou qui est contre ?

Pas d’inquiétude pour ceux qui le soutiennent, qu’ils soient des putschistes ou des pétromonarques. Mais malheur à ceux qui s’y opposent, qu’ils soient élus ou qu’il s’agisse d’une chaîne satellitaire populaire trop éclairante.

Tant il est vrai qu’il faut de l’ombre aux rois et aux tyrans.

 Hani RAMADAN

Directeur du Centre Islamique de Genève

Tribune de Genève, 6 juillet 2017

© cige 2007-2023 - POSTFINANCE SUISSE - CHF : CH49 0900 0000 1772 2398 7 - EURO : CH34 0900 0000 1592 4550 1