Les Palestiniens face à l’impunité d’Israël

OPINION. L’impunité de l’Etat d’Israël est en train de gangréner notre humanité, estime le directeur du Centre islamique de Genève, Hani Ramadan. Nous voyons des assassinats en temps réel et nous ne réagissons plus.

L’impunité est criminogène. Rien ne peut mieux illustrer ce principe que la carte blanche qui est donnée au gouvernement israélien pour poursuivre une politique agressive à l’encontre des Palestiniens. Comment comprendre en effet qu’au lendemain de la répression sanglante qui a répondu à la Marche du retour, Benyamin Netanyahou soit reçu par les chefs d’Etat européens comme si rien ne s’était passé?

Dès le 30 mars dernier, 60 000 Palestiniens ont convergé vers la frontière de Gaza, revendiquant le droit au retour des réfugiés. Le bilan? Plus de 120 personnes ont été tuées, et «3600 blessés ont été atteints par des tirs à balles réelles» selon le CICR. Les Conventions de Genève, qui interdisent aux soldats de massacrer des civils, ont été une fois de plus largement ignorées.

A quoi bon s’étonner? Le gouvernement israélien, qui n’en est pas à sa première transgression du droit international, n’a jamais été rappelé sévèrement à l’ordre par les chefs d’Etat les plus influents. Bien plus, les lobbies financiers, qui dominent complètement la politique étrangère américaine, bénéficient du soutien inconditionnel du président Donald Trump, qui n’a pas hésité à prendre une mesure autant provocatrice qu’illégale: la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, concrétisée par le transfert de son ambassade.

La Suisse n’est pas épargnée

La Suisse n’est pas épargnée. Dans ce contexte où il est difficile de confondre les agresseurs armés et les agressés, les malheureuses déclarations d’Ignazio Cassis sur le rôle de l’UNRWA, l’agence de l’ONU s’occupant de 5 millions de réfugiés palestiniens, suivies d’une invitation par l’Association Suisse-Israël le 27 mai dernier alors que des snipers continuaient à viser des civils à Gaza, ne font pas honneur à notre pays, dont la neutralité relative est bien mise à mal.

Posture qui n’est guère plus glorieuse que celle d’un Emmanuel Macron ou d’une Angela Merkel, recevant en grande pompe un homme – Benyamin Netanyahou – qui finalement est libre de faire ce qu’il veut, même lorsque ses décisions se traduisent par des tueries. Hélas, les médias et la presse officiels suivent le mouvement, en avançant les sempiternels arguments qui relèvent plus de la propagande d’un Etat colonisateur que d’une appréciation objective de la situation: la Marche du retour cache une stratégie terroriste diligentée par le Hamas. Israël ne fait que se défendre, etc.

Les déclarations d’Ignazio Cassis sur le rôle de l’UNRWA ne font pas honneur à notre pays, dont la neutralité relative est bien mise à mal.

Et dans la prison à ciel ouvert qu’est devenue Gaza, des malades meurent faute de soins dans les hôpitaux, à cause des pénuries de médicaments et des pannes d’électricité. Le blocus israélien se poursuit dans le but d’anéantir un peuple qui résiste cependant, à la face du monde. N’est-il pas temps de réagir en imposant des limites à un projet démesuré qui se poursuit dans la violence?

L’impunité de l’Etat d’Israël est en train de gangréner notre humanité: nous voyons des assassinats en temps réel, et nous ne réagissons plus. Depuis 70 ans, le projet sioniste ne s’est développé qu’au détriment des Palestiniens, dont on voudrait effacer la trace, en les privant de tous leurs droits. Et il est particulièrement odieux d’observer que cette politique répétée du fait accompli ne rencontre aucun obstacle.

Projet de résolution de l’ONU

Certes, ce 13 juin 2018, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté un projet de résolution condamnant Israël. Un amendement introduit par les Etats-Unis accusant le Hamas a par contre été rejeté. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres est invité à préparer des propositions en vue d'«un mécanisme de protection international» pour les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie occupée. Mais on peut prévoir que ces initiatives seront une fois de plus bloquées au Conseil de sécurité, où Washington a un droit de veto. Rien de nouveau donc en perspective pour mettre fin concrètement à la détresse des Palestiniens, et contraindre Israël au respect du droit international.S’il est toujours utile de reconnaître une faute, il est en revanche absurde de corriger une erreur par une autre. C’est bien dans cette logique-là que s’inscrit le propos de Patrice Mugny, quand il nous livre un discours sur « l’islam politique » et sur le Coran pour aboutir à une conclusion des plus surprenantes, justifiant l’interdiction du voile pour les fonctionnaires musulmanes. 

 Hani RAMADAN

Directeur du Centre Islamique de Genève

Le Temps, Opinion , 27 juin 2018

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