Après Christchurch

Brenton Tarrant, l’Australien de 28 ans qui a été inculpé suite à l’attentat survenu en Nouvelle-Zélande, n’est pas seulement fou. L’homme a été façonné par l’idéologie de l’extrême droite. Son geste est le fruit de diverses influences. On peut d’abord relever la responsabilité des intellectuels faussaires. Le manifeste que le terroriste a publié avant son passage à l’acte est titré « Le grand remplacement ». Il y reprend la thèse de l’écrivain français Renaud Camus annonçant une invasion du monde occidental. A quoi il convient d’ajouter la liste des « écrivains » obsédés par le sujet qui déversent à longueur de débats leur haine de l’islam.

On peut relever ensuite la responsabilité des hommes et des femmes qui ont un engagement politique. Le tueur déclare avoir été profondément déçu par la défaite de Marine Le Pen en 2017. Les musulmans sont des envahisseurs. L’islam, ses adeptes pratiquants trop visibles et leurs mosquées personnifient au premier plan ce danger imminent contre lequel il convient de réagir. Observons que cette rhétorique de haine tend à se banaliser aujourd’hui, notamment parce qu’elle est doublement efficace : pour les partis politiques qui n’hésitent pas à reprendre à l’extrême droite certains de ses thèmes qui sont porteurs en termes d’audience électorale.  Et aussi pour une partie des médias et de la presse, responsables également, qui agitent constamment l’épouvantail du péril islamiste, afin de vendre de l’information et du papier.

Les journaux télévisés ne font pas non plus dans la nuance : l’islam y est constamment abordé par le seul biais de la violence et de la guerre. On distille ainsi, à petites doses, une tension qui menace, avec le temps, la paix sociale.

Toute notre affection va aux familles des victimes de cet attentat, ainsi qu’aux blessés. Cependant, le meilleur hommage que nous puissions rendre à tous ceux-là, serait de prendre enfin la mesure de nos responsabilités : il faut que la stigmatisation des musulmans en continu cesse. Il faut rejeter fermement le fléau mondial que représente l’islamophobie. Il faut rappeler à l’ordre ceux qui jouent sinistrement avec le feu et les peurs pour gagner des voix et asseoir leur pouvoir dérisoire. Les extrêmes droites montantes, qui finissent toujours par être armées, ne méritent ni l’indulgence des hommes libres, ni la complaisance des médias, comme c’est malheureusement trop souvent le cas aujourd’hui.

Relevons enfin l’attitude exemplaire des Néozélandais.  Une semaine après l'attentat, un appel à la prière a été diffusé vendredi 22 mars dans tout le pays, en hommage aux 50 victimes et aux blessés. Une récitation du Coran a été faite au cœur du Parlement. Partout, de nombreuses femmes, dont des élues et des policières, ont choisi de porter un foulard ce jour-là pour exprimer leur solidarité avec la communauté musulmane. Belle leçon qui remet en cause, sous nos latitudes, une fâcheuse tendance à vouloir restreindre les pratiques religieuses au nom d’une laïcité exclusive !


 Hani RAMADAN

Directeur du Centre Islamique de Genève

Lettre du jour, 3 avril 2019

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